Critique : « Avenue Q » au Théâtre Bobino de Paris…
Paul Regnier
Si vous étiez à notre écoute lors de l’émission du 29 janvier spéciale “Avenue Q”, vous savez de quoi on parle! Pour les autres… Avenue Q est une comédie musicale en deux actes, créée à Broadway en 2003 par Robert Lopez, Jeff Marx et Jeff Whitty. Elle tire son originalité du fait qu’elle est jouée par des marionnettes et des comédiens.
Cette comédie musicale a déjà attiré plus de 10 millions de spectateurs à travers le monde, et l’adaptation française semble bien partie pour être un succès. C’est en tout cas une vraie réussite, incroyablement subtile et enthousiasmante. A voir d’urgence à Paris, au théâtre de Bobino, vous ne serez pas déçus!
Classé X
On pourrait situer Avenue Q entre le Muppet Show, pour ses marionnettes fort ressemblantes à celles de Jim Henson, et le dessin animé South Park, pour l’humour ravageur et la critique sociale.
En fait, Avenue Q (prononcez… ” Q”, pas “Quiou”) est seulement déconseillé aux moins de 12 ans. L’avantage de ces marionnettes, c’est qu’on peut leur faire dire ou leur faire faire tout… n’importe quoi, avec n’importe qui !…
Les thèmes sont d’actualité, intelligents et vous feront éclater de rire. Les habitants de l’avenue Q sont un peu paumés, comme nous tous. Racisme, homosexualité, travail et pauvreté, l’amour, le sexe, l’alcool, l’argent : autant de thèmes universels qui sont traités avec dérision et n’ayons pas peur des mots sont très crus par moment! Chaque spectateur à un moment du spectacle fera un rapprochement avec sa propre vie.
Imaginez un comédien chanter “Internet c’est pour le cul” – cela pourrait choquer. Le public reste en effet médusé ; mais grâce à la marionnette la vulgarité des propos atteignent une dimension nouvelle, entre émerveillement et distanciation . Certes, on voit les artistes interpréter et manipuler ces “puppets”, leur donner voix, mais là où la magie opère, c’est de parvenir à nous faire oublier au bout de cinq minutes les comédiens qui se cachent derrière ces marionnettes.
Un immeuble bien sous tous rapports
L’histoire est celle de Princeton, jeune diplômé, qui débarque à New York avec de grands rêves, mais fauché et sans boulot. Il atterrit donc dans un “bloc” sur l’Avenue Q.
Pourquoi ? Parce que l’avenue A, c’est hyper cher ! L’avenue B ? C’est très cher ! L’avenue D c’est un peu moins cher… Donc : Avenue Q. CQFD.
Ses voisins sont tous sympas et plus ou moins dans la même situation que lui. Il y a Kate Monster, institutrice un peu poilue, idéaliste, belle, douce et qui veut aimer. C’est une boule d’amour, de passion, de romantisme et elle va tomber raide dingue amoureuse de Princeton.
Brian, comédien au chômage et sa fiancée japonaise Tatami, psychothérapeute sans clients parce qu’elle a un manque énorme de psychologie.
Nicky, flemmard pique-assiette attendrissant qui squatte chez Rod, courtier en assurance, rigide et “un titi peu… pédé”. Trekkie Monster, l’énorme boule de poils, l’obsédé sexuel qui passe son temps à mater les sites de [censuré] sur le net.
Et pour finir, il y a aussi des Ours Amis Pourris, leur nom vient du fait qu’ils sont là pour inciter à la débauche de sexe, d’alcool et de fête. Une directrice d’école aigrie et teigneuse et la bien-nommée Lucy la Salope.
Oh, j’allais oublier Willy, l’homme à tout faire, Willy est très particulier, il est LE Willy de «Arnold et Willy». Celui dont personne ne se souvient, la plus grande vedette non identifiée du monde !
La condition humaine V2.0
Humains ou monstres, humains ou marionnettes, ils n’ont qu’une seule préoccupation commune : trouver un sens à leur vie.
Côté chanteurs/acteurs, mention spéciale à Shirel et David Alexis… Shirel (Notre-Dame de Paris et Les Enfants du Soleil), est fabuleuse, elle jongle entre la voix aigüe et enfantine de Kate, mais aussi, avec la voix sensuelle salace et vulgaire de Lucy la Salope.
David Alexis (Cabaret, Dothy et le Magicien d’Oz) est pour sa part absolument exceptionnel, il jongle aussi vocalement entre le très drôle Trekkie Monster, boule poils obsédée du cul, et le colocataire désordonné Nicky. Ce comédien- chanteur et marionnettiste de formation, emmène le Musical au plus haut.
Bruno Gaccio (ancien “auteur” pour les Guignols de Canal+) signe une adaptation très réussie du Musical de Broadway, l’humour est au rendez-vous et certaines traductions (très différentes de la version originale) sonnent très justes !… En plus, hormis le Théâtre du Chatelet, il est rare de voir à Paris un décor aussi magnifique et des marionnettes aussi belles… Paris serait-il devenu Broadway sur Seine ?…
On en ressort avec une pèche d’enfer, et une seul envie, celle d’y retourner !!!
Avenue Q, de Robert Lopez, Jeff Marx et Jeff Whitty – Adaptation : Bruno Gaccio
Du 7 février au 1er avril 2012 au Théâtre Bobino, 14-20 rue de la Gaîté 75014 Paris
